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Accident de la circulation 

Charles Merlen -- Avocat accident de la route LILLE / Avocat accidents médicaux LILLE/ Avocat assurances LILLE / Avocat pénal victime LILLE

La notion d’implication figure dès l’article premier de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accident de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation, dite loi BADINTER. Cet article prévoit que « Les dispositions du présent chapitre s'appliquent, même lorsqu'elles sont transportées en vertu d'un contrat, aux victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur (...) ».

Un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en date du 16 janvier 2020 (Cass. 2e civ. 16 janv. 2020 n°18-23.787) est venu rappeler le sens large pouvant être donné à « l’implication d’un véhicule dans un accident de la circulation ».

Dans cette affaire, les juges de la haute juridiction devaient apprécier l’implication d’un tracteur dans un accident de la circulation mortel. Le véhicule agricole, avait perdu de l’huile, alors qu’il se déplaçait sur la route, ce qui provoqua le dérapage d’un véhicule arrivant ensuite.

La Cour d’Appel avait condamné le propriétaire et le conducteur du tracteur à indemniser les proches de la victime en réparation de leur préjudice d’affection.

Le propriétaire et le conducteur s’étaient pourvus contre la décision, ces derniers reprochaient notamment à l’arrêt d’Appel de ne pas avoir recherché à quelle distance de l’accident le tracteur se trouvait et si cette distance n’excluait pas le lien de causalité entre la fuite d’huile du tracteur et l’accident.

La Cour de Cassation n’a pas censuré l’arrêt d’appel estimant qu’est impliqué tout véhicule ayant joué un rôle quelconque dans la réalisation d’un accident (I), peu importe l’absence de contact (II)
 
I un rôle quelconque dans la réalisation de l’accident

La notion d’implication a, avant même l’adoption de la loi, été entendue dans un sens large. Ainsi les débats préparatoires au Sénat relevaient qu’ « on ne devrait pas avoir à discuter du rôle causal ou non, actif ou passif du véhicule pour déterminer le champ d’application du texte » (JO Sénat, 11 avr.1985, p.193).

La jurisprudence a suivi la volonté du législateur et accepté largement la notion d’implication.

Même si la seule présence d’un véhicule sur les lieux de l’accident ne suffit pas à caractériser son implication (Civ. 2e, 8 févr. 1989 ; Civ. 2e 10 mai 1991, n°90-11.618 ; Civ. 2e, 25 mai 1994, n°92-19.200, Civ. 2e 18 mars 1999, n°97-14.306, Civ. 2e, 13 dec. 2012 n°11-19.696), les juridictions considèrent que le fait qu’un véhicule soit « intervenu d’une manière ou d’une autre dans l’accident » (Civ. 2e, 28 févr.1990), soit « intervenu à quelque titre que ce soit dans la survenance de l’accident » (Civ. 2e 16 mars 1994 n°92-19.089 ; Cass. 2e 13 déc.20112), ou ait « joué un rôle quelconque dans la réalisation de l’accident » (Civ. 2e, 15 mai 1992, n°90-20.322) suffit à retenir son implication.

C’est l’expression « rôle quelconque dans la réalisation de l’accident » qui est reprise par la Cour de Cassation dans l’arrêt commenté pour retenir l’implication du tracteur.

Dans l’arrêt du 20 juillet 2020 ce « rôle quelconque dans la réalisation de l’accident » prend la forme d’une fuite d’huile sur la chaussée.
 
II L’indifférence de l’absence de contact

Ce n’est pas la première fois que la Cour retient l’implication d’un véhicule dans le cas où l’un élément détaché de celui-ci provoque l’accident. Des véhicules ont ainsi été considérés comme impliqués : alors qu’une roue de secours, perdue sur la chaussé, a obligé le véhicule qui suivait à s’arrêter, entrainant alors un carambolage (Civ. 2e, 28 juin 1995 n°93-20.540) ; alors qu’une fumée épaisse à l’origine de l’accident émanait de celui-ci (Toulouse, 31 oct.1995) ; alors que de la marchandise en soit tombée sur une victime (Grenoble, 8 nov. 1994).

Dans toutes ces jurisprudences, l’absence de contact entre le véhicule et la victime n’avait pas eu pour effet d’écarter l’implication du premier.
Plus encore que l’absence de contact, on peut relever, dans l’arrêt du 16 janvier 2020, que le tracteur était éloigné de quelques centaines de mètres et n’était donc pas présent sur les lieux lors de l’accident.

Dans une situation comparable, la Cour de Cassation avait retenu l’implication d’une balayeuse qui avait, à une heure inconnue, projeté des gravillons sur un trottoir, gravillons qui provoquèrent ensuite la chute de la victime (Civ. 2e 24 avr.2003 n°01-13.017).

L’éloignement du tracteur n’a pas été un obstacle pour que la Cour de Cassation retienne l’implication de celui-ci.
 
Dans la droite ligne de l’esprit de la loi BADINTER et de la jurisprudence construite depuis, la Cour de cassation livre, dans cet arrêt du 16 janvier 2020, une acceptation élargie de la notion d’implication d’un véhicule dans un accident de la circulation. Cette analyse est tout à fait favorable aux victimes d’accident de la circulation, qui peuvent ainsi bénéficier des dispositions protectrices de la loi du 5 juillet 1985 dans de nombreux cas de figure.