Dans cette affaire (Ch. Mixte 25 03 2022 20-17.022), les proches d’une victime d’attentat avaient saisi le Fonds de garantie des victimes d’acte de terrorisme et d’autres infractions afin d’obtenir réparation des préjudices qu’ils subissaient.
Au cours des événements qui avaient entouré le décès de la victime, ses proches avaient appris d’abord que celle-ci se trouvait exposée à un attentat avant de recevoir confirmation de son décès.
Les proches de la victime avaient alors sollicité réparation du préjudice résultant de la situation d’incertitude dans laquelle ils avaient été plongés. La Cour de cassation a accueilli cette demande.
La Cour consacre ici l’existence du préjudice d’attente et d’inquiétude que subissent les victimes par ricochet ou victimes indirectes.
La Cour définit ce préjudice comme se réalisant entre la découverte de l’événement par les proches et leur connaissance de son issue pour la personne exposée au péril et est, par sa nature et son intensité, un préjudice spécifique qui ouvre droit à indemnisation lorsque la victime directe a subi une atteinte grave ou est décédée des suites de cet événement.
La Cour par ailleurs distingue expressément ce préjudice d’attente et d’inquiétude du préjudice d’affection.
Pour rappel, le préjudice d’affection peut être défini comme le préjudice subi par certains proches de la victime à la suite du décès de celle-ci.
Le préjudice d’attente et d’inquiétude n’est pas systématique en cas de perte d’un proche. Il ne peut être retenu que dans des circonstances particulières. Il s’agit du cas où les proches de la victime apprennent que celle-ci a été exposée à un risque grave et n’obtiennent confirmation de la triste nouvelle que quelques heures ou jours plus tard. Dans la pratique l’existence d’un préjudice d’inquiétude et d’attente devrait être retenu essentiellement dans des événements médiatisés tels les attentats ou les accidents collectifs ou encore si le décès de la victime intervient plusieurs heures après l’événement traumatique.
Par ailleurs, et c’est ce qui permet de le distinguer plus encore du préjudice d’affection, le préjudice d’attente et d’inquiétude est un préjudice temporaire s’écoulant entre le moment où l’on apprend qu’un proche est exposé à un danger et la confirmation de son décès ou de ses lourdes blessures.
Enfin on peut saluer l’œuvre créatrice de la Cour de cassation qui se « détache » des préjudices définis par la nomenclature Dintilhac et qui adapte sa jurisprudence aux événement dramatiques de ces dernières années. Ceci est tout à fait conforme à l’esprit de cette nomenclature qui se présentait elle-même comme « une liste indicative – une sorte de guide – susceptible au besoin de s’enrichir de nouveaux postes de préjudices qui viendraient alors s’agréger à la trame initiale » (Rapport du groupe de travail chargé d’élaborer une nomenclature des préjudices corporels, juill. 2005, p. 4)